9 mars 2010

Vara

Je vous parle d'un temps
Que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître
- Montmartre en ce temps-là
N'était pas le repère de bobos qu'on connaît, nous (quoique... peut-être, déjà, à l'époque, nan ? ).-

J'ai décidé de vous parler d'une histoire que je trouve ultra bankable, si j'en crois le nombre de sujets que j'ai eu l'occasion de mater à la tévé ces derniers temps concernant le thème " J'ai retrouvé mon premier amour " (et il y en eut pléthore, ces dernières semaines dans ma petite lucarne).

Septembre 97.
Mon bac en poche, j'entre en CPGE, entendre par là " Classe Préparatoire aux Grandes Ecoles ", titre ronflant s'il en est, au moins aussi ronflant que ses assimilés " Hypokhâgne " ou " Lettres Sup ".
Préparatoire à quelles grandes écoles, me direz-vous ? A la réflexion, j'aurais pt'êt mieux fait de me poser la question avant de " que diable aller faire dans cette galère ? " , m'enfin, trop tard, le mal était fait.
Je crois me rappeler qu'à l'époque, je visais l'intégration à Sciences Po. Pour y préparer une autre grande école, la Magistrature. Qui elle-même m'aurait préparée à ... n'en jetez plus, c'est sans fin, ces histoires-là !
Tout ça pour finir en fac un an plus tard... tss tss.... Naïve, naïve, naïve !!!!

Les études en HK et Khâgne, c'est marrant.
Tu passes d'un coup du statut de Première de Classe à celui de Dernière des Premiers de Classe . Tu as des profs qui passent leur temps à te répéter que t'es nulle.
Je me rappelle particulièrement de ce prof d'Histoire qui avait le don de trouver LA phrase choc à chaque rendu de copies. Celle qui m'a le plus marquée, c'est : " Je crois qu'il y a, dans vos cerveaux, des connexions neuronales qui ne se FONT PAS ".

Mes connexions neuronales étaient, certes, un peu altérées par divers excès en tous genres, à l'époque. De là à dire qu'elles étaient inexistantes, c'était un peu fort de café. Et les tiennes, grand dadais pré-grabataire ? Faut dire, aussi, qu'apprendre des pages et des pages détaillées sur l'Histoire de l'Ancien Régime, ça les éclatait moyen, mes neurones.

Je tiens néanmoins à remercier ce prof grâce auquel j'ai appris quelques trucs intéressants, notamment la différence entre " conjoncturel " et " structurel " , ça permet de briller en société (j'ai dit " en société ", hein, pas au Balto du coin...). Sauf quand j'ai trop bu et que je dis " évènementiel " au lieu de " conjoncturel " , dans ces cas-là, je passe pour une dinde... m'en fous, j'ai quand même fait Hypokhâgne, moi, m'sieurs dames !!!!!

J'ai aussi le souvenir d'un prof qui m'a dégoûtée à vie de la philo.
Il avait essayé de nous sensibiliser au relativisme culturel de Levi Strauss, en nous parlant aussi du scepticisime, que nous, par raccourci, on opposait au dogmatisme. Bref, après nous avoir vanté les mérites du relativisime, il nous a démonté la baraque en nous démontrant que finalement, le relativisme, c'était naze aussi, pire que le dogmatisme, et qu'au final, le mieux, c'était probablement l'universalisme. A ce stade là, nous, on était totalement largués. L'universalisme, 'jamais compris le concept, moi...

Résultat, le jour du devoir, je savais même plus si j'étais bien moi. Si le soleil était bien le soleil, et si la Terre était bien ronde (et là, crois-moi, c'était pas du aux excès de psychotropes ou autres, c'était juste la philo). J'ai donc choisi le camp du pragmatisme ( notez que c'était pas mal, en soi, vu que c'est un mot qui se termine aussi en " isme " ). Je me rappelle plus le sujet du devoir, je sais juste que j'ai terminé en disant, en gros, que je savais plus où je campais, qu'on savait rien sur rien, qu'on n'avait aucune certitude, et qu'en substance, il nous restait plus qu'à nous asseoir en haut d'une cîme et à regarder un bon vieux coucher de soleil, parce que ça, c'était kiffant. Le prof n'a pas vraiment compris ma notion du pragmatisme. Je crois que j'ai eu 2 (ce qui, somme toute, n'était finalement qu'un tiers, voire la moitié, des notes que je me tapais en général... alors bon...).

Faut dire qu'en HK, t'apprends la vie, quoi ! Ou une certaine vision de la vie.
Quand tu te tapes banane sur banane, tu comprends bien ce que c'est le relativisme. Pas besoin d'ergoter pendant des heures sur Levi Strauss, la preuve par les notes, c'est bien plus pédagogique !!!!
Après, du coup, quand tu rejoins les bancs de la fac, tu retrouves ton statut de number one d'avant la prépa, et là, tu te sens pousser des ailes. Ceux qui sortent juste du bac, ils pleurent leur mère quand ils se gobent un 7. Toi tu les toises parce que, déjà, t'as eu 10 (bagage HK oblige) et que, de toute façon, ces histoires de mauvaises notes, c'est vraiment un truc de gamins, de bébés anciens bons élèves... ah ah.

Bref, je suis donc entrée en prépa. J'ai, ce faisant, intégré une espèce de congrégation bizarre.
Il y a vraiment des gens qui sont dingues de ces conneries.
Le soir du bizutage, ils te font chanter un hymne sur l'air des " Trompettes " d'Aida (http://www.deezer.com/listen-3119727), avec des mots vaguement latins (latin de cuisine) chelous ; ça commence comme ça :
" Vara, tibi Khagna, Vara, celebrat gloriam,
Splendidissimam, nequaquam a strassa destructam, parrapapam.
Vara, tibi Khagna, Vara, dat honores multos,
Contra doce nos quomodo in tutto boiresanzo (...) "
Perso, j'aimais bien ce " Boire et sans eau " calé à la fin.

Et après, ils t'expliquent que tes ennemis jurés, c'est les Taupins, ceux qui sont en Math Sup et Math Spé, et dès que t'en croises un , tu dois hurler " AU CUL, LA TAUPE !!!!!!!! ". Ouais, je sais, c'est super élaboré, comme vocabulaire, de la part de gonzes qui sont censés aimer les belles lettres...

La vérité, c'est qu'en Prépa Lettres, tu les détestes pas vraiment longtemps, les Taupins. Rapport que c'est majoritairement des mecs, et qu'en Lettres Sup, on est essentiellement des nanas.

Dans ma promo, y'avait quelques rares exemplaires de mecs, mais franchement, t'as qu'à voir : un qui était là pour préparer Saint Cyr (genre...), un qui était intégriste catho, avec l'écharpe des Scouts d'Europe en bandoulière, et un royaliste qui s'habillait en noir pour l'anniversaire de la mort de Louis XVI (ouais, quand même, ouais...) - pour le faire chier, on lui a fait remarquer que la date de commémoration de la mort de Louis XVI, c'était la même que celle de Lénine - ça l'a moyen fait poiler.

Y'avait bien un autre gars, tout à fait normal. Mais il est pas resté célib longtemps.
Les Taupins, c'était des mecs avec qui on organisait quelques vagues soirées. Ca permettait de rééquilibrer la mixité des deux côtés. Sinon, c'était aussi des gars, quand t'entrait dans une salle dans laquelle ils venaient de passer deux heures, ça sentait le fenec... Et sinon, aussi, ils aimaient bien hurler " AU CUL, LA KHAGNE !!!!!! ".

Mais, eu égard aux carences en véritable testostérone, dans nos rangs, ci-dessus dénoncées, il y avait de temps en temps des couples mixtes.

J'avais une copine dans ma promo qui fricotait justement avec un Taupin.

En vrai, c'est là que je veux en venir, depuis le début (j'adore tourner autour du pot pendant des heures en rajoutant des détails aussi anecdotiques que superflux et inutiles, je dois tenir ça de mon vieux...).

Donc, cette fille, que je nommerai " la Blonde " parce que je crois me souvenir qu'elle était blonde, ou plutôt " la Rochefortaise ", tiens, c'est mieux... La Rochefortaise sortait avec un Taupin que je surnommais " Joe la Touffe " , parce qu'il avait plein de cheveux. Je ne connaissais pas trop ce type, à l'époque, je me rappelle juste qu'il me prêtait des " Calvin et Hobbes ", qu'on avait échangé nos chambres d'internat, et qu'un soir, lors d'une de nos nombreuses soirées trop arrosées, j'ai gerbé dans la poubelle d'un de ses potes taupins. C'est assez restreint, et pas trop glorieux, comme souvenirs, en fait...

Ensuite, je suis partie étudier à Grenoble et je me suis empressée d'oublier cette année de ma vie où j'avais appris l'humilité.

Deux ans plus tard, un soir où je faisais mes courses au " Géant " de St Martin d'Hères (j'adore les détails inutiles, j't'ai dit, laisse-moi raconter comme je veux, maintenant, c'est mon histoire, j'fais c'que j'veux, OK ??? ), v'là t'y pas que je tombe pas sur qui, au détour d'un rayon ???? Joe la Touffe !!!!!

On taille le bout de gras comme nous aut', Poitevins Expatriés en Terre Hostile, savons si bien le faire, et il me dit qu'il a intégré ici une école, et que nan, il est plus avec la Rochefortaise, tant d'eau a coulé sous les ponts depuis, tout ça, tout ça...

On se croise de temps en temps, on festoie sporadiquement.

Puis, pendant plusieurs années, les hasards de la vie (et parfois pas les hasards) nous ont fait nous retrouver, bref, il fait toujours partie des gens que je côtoie, en pointillés, souvent de loin, mais qu'il est toujours agréable de retrouver.

Je savais qu'il vivait dans le Sud Ouest, avec une nana depuis à peu près 7 ans.

V'là t'y pas que vers la Noyel, il me contacte pour me dire, en substance, que depuis le temps qu'on se dit qu'on habite pas loin et qu'on devrait en profiter pour se voir, eh bin ça y est, l'occasion est venue, il remonte chez lui pour les vacances, et il me propose de stopper à Bordeaux.

Il stoppe à Bordeaux. On discute de nos vies ( tant de choses à dire, si peu de temps...). Il me dit qu'il est toujours avec sa nana, mais que là, c'est plus du tout le top. Avant de repartir, il me recause de la Rochefortaise. Le problème, c'est que moi, la Rochefortaise, depuis la prépa, je l'ai carrément perdue de vue, encore plus que lui...

Figure-toi que quelques jours plus tard, il me recontacte en teasant à mort, que soi-disant il a
du gros doss' à me raconter...

Incroyable mais vrai : il a trouvé le moyen de recontacter la Rochefortaise, via ces valeurs sûres que sont les Parents, à une époque où tout bouge tout le temps (sauf les Parents, hardcore de nos vies mouvementées...). Ils se sont revus. La Rochefortaise vivait depuis 5 ou 6 ans avec un mec.

Ils sont allés se balader à La Rochelle, sous le soleil d'hiver. Leurs coeurs ont refait " chabadabada, chabadabada".

Ils ont tout largué. Veaux, vaches, cochons.

Et depuis deux mois, ils vivent de nouveau leur histoire commencée il y a 12 ans.

Putain, 12 ans, quoi !!!!

C'est pas bankable, ça ????

C'est ça que je voulais vous raconter. Cette cute histoire. Je suis sûre qu'elle est mieux que le Valentine's day que j'ai toujours pas vu.

Longue vie à la Rochefortaise et Joe la Touffe.

Et : " AU CUL, LA TAUPE !!!!!!!!!!!!!!!!!!!! ".








3 commentaires:

  1. Salut Nilaa. J'ai parcouru ton blog ce soir et puis par un curieux hasard, je suis tombé juste après sur une nouvelle de Hawthorne intitulée Wakefield, et qui raconte (un peu) la même histoire. You should read it.

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  2. Raaa, encore du name-dropping ! Je me mets à la lecture du bouquin ASAP.
    J'espère que tu vas bien !

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  3. Tu dis ça parce que j'ai l'air d'aller mal?! Tu sais, comme disent les Beatles, "it's getting better all the time!"
    Et c'est pas du name dropping, c'est du partage!

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