30 mai 2010

Un train d'enfer


Retour d'un énième week-end parisien, si bref qu'à peine commencé, pfui, il est déjà terminé.


Vendredi, suis allée me faire couper les cheveux, luxe que je m'offre tous les trois/quatre mois, je vous laisse imaginer l'état de mes pointes à l'issue d'une si longue période...

Comme une fois sur trois (statistiques certifiées INSEE), la coiffeuse a loupé ma frange, i.e l'a coupée un chouia trop court, oh, pas grand chose, un micronième de millimètre peut-être, mais un micronième absent qui, comme une fois sur trois, a réussi à me plonger dans un marasme total, et à gacher ma soirée d'hier, parce que j'étais trop focalisée sur ce problème de frange, qui, comme une idée fixe, revenait de manière récurrente au beau milieu des conversations joviales et néanmoins hyper profondes que j'échangeais avec les gens présents aux festivités :
" Oui, donc comme je te disais, Bordeaux, j'en ai ma claque ... - ça va, ma frange, là ? - et je crois que je vais vraiment finir par me tirer, et je pense même à me casser loin, overseas peut-être, un besoin de ' breaker le mould ' comme dirait Brian Molko, de foutre un grand coup de pied dans - ça va, ma frange, là ? pas trop Playmobil ? - , donc je disais, un grand coup de pied dans tout ça, ma vie qui stagne et tout ça, je croyais que j'étais prête à me poser, mais finalement nan, et - ça va ma frange, là, pas trop Mireille Mathieu ? - peut-être qu'il faut que j'assume le fait qu'en vrai, j'ai besoin d'être toujours en mouvement - Jeanne d'Arc un peu, ma frange, non ? - ".

Je crois que l'Oursonne a failli me foutre son poing dans la tronche, ou m'étrangler violemment ; elle s'est finalement contentée d'un hurlement " PUTAIN MAIS CA SUFFIT, ON S'EN FOUT DE TA FRANGE, LA SOIREE EST FINIE, Y'A PLUS QUE TOI ET MOI, LA, MA POULE, ALORS ON S'EN BRANLE GRAAAAAVE !!!!! ".
Là j'ai compris que j'avais prononcé le mot " frange " une fois de trop, peut-être...

L'aspect visuel de cette fichue frange m'agace moins que mon propre comportement, incompréhensible et puéril face à ça.
Je veux dire, je me contrefous de me balader avec un gilet de sécurité jaune fluo et un casque ultra laid en vélo, ou d'arriver régulièrement au taf avec mon jean déchiré/troué à l'ourlet (en vrai, j'y vois une forme de résistance passive), mais pour une frange un tout petit peu trop courte, je me mets la rate au court-bouillon, donc m'auto-agace !

J'aimerais tant être comme l'Oursonne qui, il y a quelques années, avant une soirée, en croquant dans un pomme, a perdu une de ses incisives centrales du haut, mais ne se dégonflant pas, est allée à cette soirée en notre compagnie. On aurait dit une petite vieille édentée, les gens la regardaient en mode " est-ce que cette fille est vraiment comme ça depuis longtemps ? ", et elle, malgré la honte qu'elle ressentait, elle se poilait et faisait exprès de dévoiler sa dentition trouée, se prêtant plus que de besoin aux poses pour les photos d'usage.
J'aimerais être courageuse comme ça (tu vois un peu que j'ai quand même pas une définition hyper haute du courage !!!).

Bon finalement, comme une fois sur trois, je vais essuyer demain quelques réflexions à la con de mes collègues, et puis, comme une fois sur trois, dans quatre jours, tout aura repoussé et on en parlera plus...

J'en veux un peu à la coiffeuse quand même.
Par contre, c'est définitif, je crois que les coiffeurs me fascinent, dans cette capacité qu'ont la plupart d'entre eux à babiller de choses plus ou moins graves le temps de la coupe.
Celle-ci, enceinte et monologuement volubile, a quand même réussi à me placer en un quart d'heure que sa meilleure amie était morte sous ses yeux au sortir d'une boîte il y a cinq ans, qu'avant elle était obèse et a perdu 30 kgs en deux mois, qu'une de ses potes avait revendu son lait maternel et que ça rapporte vachement de blé, que son frère bosse pour une chaîne spécialisée dans l'équipement du bébé et lui a piqué les meubles d'une chambre entière, ou plutôt lui a donné car lui a eu un môme il y a quelques mois mais la mère s'est barrée avec le mioche quelques jours après la naissance, tout ce qu'elle voulait, celle-là, c'était se faire engrosser, et donc son frère lui a tout refourgué gratos, que la coiffeuse qui me coiffait avant (que j'adorais parce qu'elle ne m'a JAMAIS loupé ma frange et qui est hélas partie à Paris), a perdu son père d'un cancer du poumon il y a quelques mois le jour même où elle apprenait sa propre grossesse, et enfin, qu'elle avait hâte d'accoucher, mais, dommage, c'est pas pour tout de suite, parce qu'elle en a marre de plus pouvoir faire de sport et de ressembler de plus en plus à la baleine échouée qu'elle était avant de perdre ses trente kilos en deux mois suite au décès de sa meilleure amie sous ses yeux ( fin de la phrase et de la diarrhée verbale, attends, je reprends ma respiration).

Faut dire que je suis pas dérangeante, comme public, moi, vu que je dis pas grand chose à part " ah oui ? ", "ah bon ? " , " et donc ... ? ", parce qu'en fait, j'aime toujours savoir des trucs sur l'histoire des gens. Un jour si j'écris un vrai bouquin (pas comme ceux que j'écrivais à 11 ans, qui sont assez anorexiques stylistiquement, et déserts au niveau du fond, mais bon, moi j'avais 11 ans, j'en connais d'autres - mes boucs émissaires Musso et Levy, au cas où t'aurais pas compris, qu'ont la quarantaine, donc pas d'excuse !!! ), je pourrai m'inspirer de cette grande galerie de trajectoires individuelles qu'offre la Vie, de toutes ces rencontres que j'ai faites...
Après, j'aurais peut-être mieux fait de me renfrogner et de pas donner l'impression d'avoir envie d'écouter ses histoires, rapport que du coup, elle se serait concentrée sur ma frange, et ma soirée d'hier, et les quatre jours à venir, auraient pas été gachés... bref, assumons nos actes.

Sinon, je vous passe les détails de mon trajet en train d'hier.
Le premier TGV du matin, celui de 5h50, qui m'a fait lever à 4h après 3h de sommeil, pour finalement avoir 1h30 de retard, rapport que des petits malveillants avaient rien de trouvé de mieux à foutre que d'ouvrir un container d'amoniaque sur un train de marchandises qui du coup était bloqué en gare d'Angoulême et empêchait toute circulation de trains... ou quand tu te dis que t'aurais pu gagner 1h30 de sommeil, ce qui, quand tu as dormi 3 heures et que tu as une grosse chouille prévue le soir, n'est pas anodin...
Ce qui m'a permis d'entendre un peu de la vie de Mme X, au wagon bar, qui m'a raconté qu'elle était d'Angoulême et allait passer une journée à la capitale avec un groupe (de joyeux retraités ? ) et que le programme était sacrément chargé, que leurs billets de musée étaient déjà réservés, et que cette histoire de gros con de conducteur de train de marchandises qui, détectant enfin la fuite de matière toxique, a pas eu de meilleure idée que de s'arrêter en gare d'Angoulême, ce qui a obligé le préfet à boucler un périmètre de sécurité pendant des heures, allait leur faire prendre un sacré retard sur leur programme, déjà qu'ils y vont pas souvent, à la capitale... sur quoi son mari Monsieur X a renchéri dans des termes encore moins polis sur la SNCF, et m'a expliqué les dangers de l'amoniaque...
Bref, un voyage pa-ssio-nnant, ponctué de rebondissements divers et variés (au bout de deux heures, la voix du commandant de bord du train dans le micro " une personne est souffrante, y'a t il un médecin ? ", et tout le monde qui se regarde, mi-amusé, mi hors de lui, genre, si y'a pas de médecin, ils vont à nouveau arrêter le train pour que les secours viennent, nan mais sans déc', c'est la caméra cachée, ici... Marcel Béliveau, sors de ce corps...).

Quand on est enfin arrivés à Montparnasse, j'en aurais presque roulé des pelles de joie à tous les gens alentours, tellement heureuse d'être saine et sauve et de fouler enfin le sol parisien.
Bon, du coup j'ai eu une gueule de fantôme toute la journée (mes amis, qui sont d'une délicatesse extrême, n'ont pas manqué de me le faire remarquer, le soir... ah bin moi je croyais qu'y'avait pas pire que ma frange... bah si, 'voyez, y'avait mon teint blafard et mes cernes de 10 mètres...).

Du coup j'ai eu la flemme de me traîner dans l'aprèm dans le centre de Paris pour la dédicace d'Elixie, qui a sorti un bouquin qui a l'air fameux, et que j'aurais rencontrée avec plaisir (pour ceux qui savent pas, Elixie, c'est le blog " Fuck You Billy", que j'adore).
J'étais trop occupée à ricaner avec l'Oursonne, calées sur les fauteuils de son patio du 9-3, sous des couvertures, à fumer, à faire des tests de merde ( notamment, " Quel est votre âge sexuel ? "), à taper une sieste qui m'a fait louper Gossip Girl, à grignoter des saloperies ( Bretzels, saucisson, surimi, canelés from Bordeaux et cerises, un subtil équilibre diététique) et à me plaindre de ma frange décidément trop courte...

Quant au retour de ce soir, c'était juste cherry on ze cake, le train blindé de Landais éméchés et bruyants (pléonasme ? ) qui faisaient péter le Ricard et les rillettes dans un joyeux bordel. Survival of the fittest pour atteindre le wagon bar, slalom entre deux glacières et des supporters de rugby rougeauds et dragueurs ( " eh ma belle, t'as pas oublié les croques qu'on t'avait demandé de nous ramener ? ", " eh mignonne, t'as pris un panini ?!? fallait le dire, on t'aurait fait un sandwich à la rosette, nous ! " ), et moi, souriant bravement au milieu de toute cette testostérone alcoolisée, me disant que ma frange, c'est peut-être pas un gros problème, à condition que mes interlocuteurs aient 12 grammes dans chaque bras...

Donc là, je vous laisse, je vais m'abandonner sans pudeur entre les bras de Morphée...


PS : sur le bureau de l'Oursonne, y'avait un calendrier du genre Images du Monde. Il était sur le 25 mars... tu sais ce que c'était, la page du 25 mars ? " Chamans "... no comment. Je crois que les esprits complotent....



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