19 février 2010

" Chauffeur, si t'es champion... "

La scène se passe Gare St Jean, une nuit de dimanche, à Bordeaux, vers 00h45.

A l'arrêt-taxis, une file ininterrompue de voyageurs à peine sortis de l'intense comatage auquel leur ont permis de s'adonner plus de trois heures de train, dans un Paris-Bordeaux à prix bradé (et pour cause : il est tard, très tard, trop tard, pour un dimanche soir ! ).

Les places sont chères, trop de clients, pas assez de taxis, vivent les villes de province, aussi grandes soient-elles... !

Dans la queue, un Homme de Lettres, et votre serviteuse. Aussi comateux que les autres, aussi impatients de rejoindre leurs lits, après un week end pas très riche en repos.

L'Homme de Lettres, qui n'avait pas pris un taxi depuis " qu'on est passé à l'Euro " (sic), jamais en reste pour pousser la blagounette et tenter de dédramatiser des situations d'un intense caractère dramatique (et j'avoue que je suis bon public), regarde passer les taxis dans lesquels montent les voyageurs qui nous précèdent, et déclare que lui, il ne montera que dans une Merco, histoire que sa première course payable en euros en vaille la peine.
Je lui rétorque, un peu ronchon, que j'adore son sens de l'humour, mais que vu les circonstances, même si le prochain qui pointe le bout de son nez (le nôtre) est une R6 rouillée de 1972, voire une Xantia vert métallisé de 1995 (soyons fous), ou même une Seat Leon jaune (je hais les Seat Leon jaunes, je voudrais lancer une pétition contre ces pustules visuelles, c'est mon côté inexplicablement radical, parfois...), moi, ça m'ira.

Pas loupé : une Peugeot 607 débarque en vrombissant. C'est sûr, le type connaît chaque plan-séquence de tous les " Taxi " par coeur, et fait tous les soirs ses prières devant des portraits de Naceri !

En descend un petit mec trapu, la quarantaine bedonnante, court sur pattes, barbu, et pas souriant. Quand je lui annonce qu'il faudra d'abord me déposer chez moi, puis ramener l'HDL chez lui, et lui demande une estimation du prix de la course, vu qu'on a plus sur nous que 18 € en espèces (ça ruine, les ouikindes parisiens, au cas où vous le sauriez pas !!! ), il grimace.
Bon, pour l'amabilité, on repassera...

Je n'ose pas regarder l'HDL, que j'essayais de persuader, quelques minutes plus tôt que non, non, les taxis ne sont pas forcément toujours des caricatures d'eux-même, que j'en ai croisé des tas qui n'étaient pas des stéréotypes ; il y en a même qui parlent pas, parfois, ça repose... D'autres m'ont tapé la causette, en me racontant comment on devient taxi (je sais pas vous, mais moi, - et ce n'est pas ironique -, c'est le genre de trucs qui m'intéressent, comment, et pourquoi, les gens ont accédé à leur profession), un autre encore m'a fait du gringue et a voulu prendre mon n° de tél, alors qu'il avait l'âge de mon père, et le physique aussi agréable que celui d'une murene (parfois, les mecs ne doutent de rien !!!!)... Bref, j'ai rarement été déçue, avec les taxis. Et j'aurais voulu en convaincre l'HDL...

T'as gagné ! : l'autre connard démarre en trombe, en faisant hurler les chevaux de sa caisse de gros beauf. L'HDL me lance un regard mi-amusé, mi apeuré.

Le taxi-driver se livre alors à un des passe-temps préférés des taxi-drivers, j'ai nommé : parler dans sa cb (prononcer " cibi " ) avec un collègue. Sur le coup, l'HDL et moi, on comprend pas vraiment de quoi ils parlent... Puis, notre chauffeur termine sa convers, et nous prend à témoins : "Vous avez pas vu une espèce de mini-camionnette avec marqué ******* dessus, dans la cour de la gare, qui chargeait des clients ??? ".

Nous : " non "

Le TD : " parce que c'est un connard qu'a même pas sa licence, qui tourne avec des voitures de location, qu'il change régulièrement, et nous pique notre clientèle. Il est même pas assuré, ce con ; on est en train de monter un collectif, ça va pas se passer comme ça " .

L'HDL (qui adore servir la soupe au moment où on s'y attend le moins) : " ah oui, j'ai lu ça, dans Sud Ouest, mais ça a déjà été jugé, non ? C'est vieux, cette histoire, non ? ".

Le TD : " il recommence. On lui a déjà filé une sacrée rouste, à cet enculé, mes collègues et moi ; mais ça lui a pas suffi, tu penses ".

Là, il s'interrompt, car on arrive à un feu rouge où un de ses collègues TD est à l'arrêt. Il se gare à sa hauteur, fait ronfler son moteur, et lorsque le feu repasse au vert, grille son collègue au démarrage, pas peu fier de lui. Et s'empresse fissa de s'emparer à nouveau de sa cibi, pour narguer ledit collègue (un truc fin, du genre "tu l'as sentie passer, celle-là ? " ou raffiné, du style "ça va, t'as pas trop mal au fion ??? ", bref, la distinction faite homme, quoi).

Puis il se retourne vers nous, tel un paon qui n'en peut plus de sa supériorité de TD : " Ah, ah, ils le savent, pourtant, les collègues, qu'il faut pas se frotter à moi ! Ah ah, ils aiment pas ça, faire la course avec moi !!! "

L'HDL (très en verve, ce soir là, avec un petit sourire narquois au coin des lèvres) : " ça n'a aucun intérêt, parce qu'ils savent qu'ils vont gagner...! " (souvent, les blagues de l'HDL ne font rire que lui et moi)

Le TD (homme outré, ayant appris à compter jusqu'à 1, ce qui est largement suffisant pour recenser, à la fois le nombre de ses neurones, et celui de ses degrés d'humour et de compréhension du cynisme de ses clients) : " bah non ! Parce que je gagne toujours ! Ma caisse, elle en a sous le capot ! ". (Evidemment... merci pour la précision !)

Arrivé à quelques mètres de ma rue, le TD me dit " Bon, ça vous dérange pas, si je vous laisse là ? ". - Non non, tête de noeud, il est 1 heure du mat, il fait froid, je suis en talons, je suis une nana, j'ai une énorme valise, je te paie pour ça, mais vas-y, Ducon, fais-toi plais', lâche moi comme une bouse au milieu de rien !

Bon, c'est pas exactement comme ça que je l'ai dit, mais j'ai quand même réussi à m'imposer (le fruit d'années et d'années de thérapie ! ) et à lui faire comprendre qu'on n'était pas précisément là où je lui avais demandé de m'emmener. Et qu'il ne me lance pas sur une analyse juridique du contrat qu'on avait passé dès qu'il s'était arrêté devant nous à la gare, parce que moi, le droit des oblig', ça me connaît (et la défense du consommateur aussi)... bah quand même !!!!

Bref, il a obtempéré, bougon. (Tu m'étonnes, vu que les rues de mon quartier sont pas exactement des autoroutes, et sont certainement pas destinées à accueillir des 607 rutilantes. Donc, il a eu un peu de mal à négocier le virage pour entrer dans ma rue. Mais il a réussi).
Ensuite, limite s'il est pas resté assis sur son gros cul dans son siège bacquet chauffant, en me regardant, du coin de l'oeil, dans son rétro, enlever seule mon bagage du coffre...

Asshole.

Bref, à peine arrivée, je me suis empressée d'envoyer un sms à l'HDL, qui avait bien été contraint de continuer la course seul, avec cet abruti. Mon texto disait " Et dans deux minutes, il embraye sur les bougnoules " (qui nous piquent nos femmes et nos allocs, s'entend). J'ai beaucoup aimé ma métaphore sur la conduite automobile (si je le pouvais, je me roulerais des pelles, tiens ! ), mais l'HDL ne l'a visiblement pas relevée.

L'HDL a répondu un truc ironique. Je restais sur ma faim.

J'ai donc appelé l'HDL. Qui m'a confirmé que la fin du voyage avait été aussi magique que son début...

Jugez plutôt :

Le TD : " les mecs qui se garent mal dans les rues, je voudrais avoir un marteau pour leur fracasser leurs voitures. " (et peut être aussi leurs têtes, non ? ).

L'HDL (putain, que ce mec est drôle ! ) : " oui, enfin, en même temps, se balader avec un marteau dans la poche, c'est pas évident-évident ! "
Le TD : " non ; alors je prends des gros cailloux "

L'HDL : " ?!?... "

Le TD : " regardez ! " (et il sort des grosses pierres de ses poches ! ).

Pour finir, le gros naze s'est auto-octroyé un pourboire, sans demander la permission de personne (en même temps, vous auriez fait quoi, vous, à la place de l'HDL, en sachant que le mec avait des gros cailloux dans les poches ???? Hein ???? Hein !?!?! ).

J'ai essayé de retrouver, pour illustrer cette note (dont la promptitude de la publication ne dépendra que du bon vouloir de ma putain de connexion à cette putain de Toile - cf billet précédent - ), un sketch que je crois savoir avoir existé, d'un(e) humoriste sur ce qu'elle/il appelle la " secte des sapins magiques ", ou un truc dans le genre. Chou blanc.
Alors je me contenterai de ça, ( bien que le verbe "se contenter" n'est vraiment pas le mot approprié ici, comme vous pourrez en juger) ... :




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